La préhistoire
Un flash-back de seulement quinze petites années suffit à nous téléporter à l’ère de la préhistoire. Personne n’avait alors encore entendu parler de « Page Avec Publicité » (PAP), et pour cause : la première du genre n’a vu le jour qu’en 1994. Il s’agissait de la page d’accueil de HotWired, sur laquelle un bandeau AT&T cliquable avait squatté durant trois mois pour le loyer exorbitant de 33000$. Le format gif 468x60 pixels était né !
Les contraintes du montage HTML, les performances d’affichage des premiers navigateurs, les cadences infernales des processeurs d’alors et la bande passante antédiluvienne ne permettant guère les fantaisies interactives ou visuelles, ce format a perduré une éternité ! En tout cas, du point de vue du créatif qui n’a eu droit qu’à 32 ou 64 couleurs pour un maximum de 12ko, et ce pendant de très longues années …
Notons que cela n’aura cependant pas empêché une très âpre compétition sur les taux de clic, et quelques splendides performances, en termes de retour sur investissement, au vu des modestes moyens engagés.
Et c’est d’ailleurs vraisemblablement ce qui a pérennisé le web et lui a permis d’évoluer : cette exceptionnelle rentabilité des premières années aura été sans nul doute un formidable tremplin pour ce nouveau support. Sans la publicité en ligne et les crédits qu’elle a drainés, sa progression aurait sûrement été beaucoup plus lente.
Du gif animé au flash
Fin 1996, de nouvelles technologies telles que Shockwave ou Flash vont permettre l’apparition de véritables publicités interactives. C’est Hewlett Packard qui va ouvrir la marche en donnant la possibilité de jouer, dans une bannière, au fameux Pong d’Atari. Succès garanti !
Derrière, de gros annonceurs tels que Nike ou Absolut vont s’engouffrer dans la brèche interactive : ils sont aujourd’hui considérés comme historiques sur ce média et ont pris une avance insondable sur leurs challengers, à tel point qu’ils façonnent les tendances et la manière d’annoncer plus qu’ils ne les suivent.
Nous en étions encore à l’âge d’or du taux de clic comme unique référence et gage absolu d’efficacité. A l’époque, il faut bien dire que l’internaute était curieux de tout et avait le clic plutôt facile : jugez-en, on approchait alors encore régulièrement les 10% !
Les premiers « interstitiels » vont ensuite faire leur apparition : en attendant que la page demandée soit chargée, une pub s’introduit subrepticement dans l’intervalle ! Ce modèle, à l’origine destiné à l’aide à la navigation, saura séduire les annonceurs, qui lui consacreront plus de 5% des investissements en ligne entre 97 et 98. Et en 1999, ce sont les bandeaux flash à gratter, de mini jeux en ligne, qui créeront la nouveauté, sans toutefois trop déroger à l’indétrônable format 468x60, et ce malgré la disponibilité de nouveaux formats tels que le carré (250x250), le skyscraper ou les toutes premières fenêtres pop-up.
De la pop-up à l’intégration
En l’an 2000, la fin de l’année verra la suprématie du meilleur format de tous les temps : le fameux pop-up (avec l’apparition d’une fenêtre de pub en plus de la page visitée) ! Enfin, meilleur en terme de taux de clic, devrais-je dire. La nuance est importante, car paradoxalement, si ce format obtient
d’excellents résultats, il finira par modifier radicalement la donne de la publicité interactive en s’attirant les foudres des internautes qui supportent de plus en plus mal son intrusion quasi systématique. Son utilisation intensive entre 2001 et 2004 finira par susciter l’intégration d’un bloqueur de fenêtres intempestives au sein même des navigateurs, obligeant les publicitaires à repenser leurs stratégies de fond en comble, ce qui n’était finalement pas un luxe.
Entre temps, le DHTML et le flash transparent ont fait leur apparition et semblent vouloir mieux s’intégrer aux pages. En outre, les publicités « rich media » intégrant du son, voire de la vidéo, ont déjà largement fait leurs preuves, et, bien que toujours pénalisées par le diamètre des tuyaux, elles commencent à se généraliser.
Ce qui, encore une fois, donne à penser que l’évolution de l’Internet est intimement lié à l’évolution de la publicité sur ce média. Avec la baisse inexorable des taux de clic, les pubs vont devenir plus créatives, plus interactives, plus fun.Malgré la crise, qui éclate en 2001, les agences
vont persévérer, et, sur fond de réorganisation et d’assainissement du marché, elles vont continuer à produire et à innover. Elles n’ont pas réellement eu le temps de se laisser impressionner par la dépression, pour la simple raison qu’en 2002, en plein « aplatissement » de la bulle Internet, les investissements publicitaires sur la toile ont continué à progresser. Fortes de ce constat, elles vont donc simplement se recentrer sur les concepts et sur
le design, en tâchant de faire abstraction des contraintes techniques, afin de tirer tout le secteur vers le haut et de créer le besoin.
Nul besoin d’expliquer que si l’annonceur et l’internaute adhèrent, il ne reste plus aux autres acteurs qu’à s’adapter. Aux régies de s’organiser et d’étoffer leurs offres d’achat d’espace, aux FAI de proposer des débits plus importants… Et voilà comment, malgré les apparences, la dynamique sera relancée, et profitera au web dans son entier.
A ce stade de l’évolution, on n’en est cependant pas encore à la symbiose. On travaille plus volontiers dans le sens de l’internaute, en priorisant le contenu et en prônant une intégration des spots ne nuisant pas à la lisibilité. Mais les annonceurs cherchant toujours le meilleur rendement, et n’étant pas forcément enclins à suivre les conseils avisés des agences, d’autres balbutiements et égarements verront le jour, tentant désespérément de reproduire la rentabilité des pop-up. Cela étant, le web ne permettant pas de revenir en arrière, les comportements manquant d’éthique seront systématiquement condamnés par les internautes, décidément bien moins passifs que leurs cousins téléspectateurs.
Du marketing à la stratégie interactive
C’est d’ailleurs certainement cette tendance générale des internautes à être globalement proactifs qui explique que le ciblage, c’est-à-dire l’utilisation des informations de l’internaute pour lui apporter des publicités en rapport avec ses centres d’intêret, ne soit pas plus mal perçu. Visiblement, la clé, c’est la personnalisation. Elle utilise l’ego comme levier : en tant qu’internaute unique, on affiche ses goûts, voire ses convictions, et on devient compatible avec l’esprit d’une marque dès lors qu’elle affiche des valeurs communes. De ce simple fait contributif découle une perception plus positive du discours de la marque comme de la personnalisation, qui sera perçue comme « donnant-donnant » : moins de pub, mais qui colle mieux à l’image que l’on a de soi.
Et, côté annonceur, on commence à voir se profiler des atouts tels qu’on n’en avait jamais rêvés avec les canaux standard de diffusion : récolte et affinage des données, ciblage des leaders d’opinion, fidélisation, retours d’utilisation … Tout devient possible, simplement parce que l’internaute, qui s’est installé au coeur des processus, l’autorise.
Parallèlement à l’explosion des réseaux sociaux, l’avènement de la vidéo, avec notamment l’arrivée de You Tube et Daily Motion, va parfaire la mécanique de validation des campagnes. Les contenus créés par les marques deviennent « présentables » et se partagent sans retenue particulière sur les blogs et les réseaux sociaux.
Partage, voilà bien le maître mot de la communication dont le principal trait de caractère de ces trois dernières années aura été de se vouloir virale. Cette publicité virale sait s’adapter à sa cible, et à ses relais pour transmettre l’information, notamment les blogueurs. Quant aux recettes pour le séduire, il n’y en a pas de particulière. Il suffit a priori d’avoir une information à faire passer, ou à défaut d’être drôle, imaginatif ou novateur, pour que le relais se mette en place de façon quasi automatique. Pour autant, une vraie bonne grosse mayonnaise qui monte, qui monte, cela reste la plupart du temps inexplicable. On peut toujours disserter sur les 17 millions de vues pour le clip « Chocolate rain », je ne peux pas croire qu’il y ait quoi que ce soit de rationnel là-dedans !
Reste à noter qu’une fois de plus, la communication des marques aura été intimement liée à l’évolution des tendances du web, allant jusqu’à en épouser les contours.Les marques auront tôt fait de comprendre l’intérêt du côté participatif du web 2.0, et l’auront promu de façon active, ne serait-ce qu’en adaptant les stratégies de campagnes à sa topographie particulière.
Prospectives
Participation, retours d’expérience, implication, pour finir par aller jusqu’à l’immersion avec les derniers concepts US de distraction publicitaire, de jeux de marques ou de publicités via les fils RSS.
Même s’il est encore trop tôt pour dire si ces modèles seront adaptés au marché européen, gageons que l’on ne saurait faire l’économie d’un test grandeur nature. D’autant que les « advergames » affichent, en terme de ciblage comme de retombées, d’excellentes performances. Quant à la tendance « advertainment », elle semble être dans la suite logique de cette nouvelle façon de communiquer. Même si, en l’occurrence, la logique de l’annonceur n’est pas nécessairement la même que celle de l’internaute… Celle de l’annonceur voudrait croire à l’avènement de mini boutiques, déportées dans des widgets devenus des modèles d’ergonomie dédiés à l’achat compulsif en ligne, alors que celle de l’internaute serait plus encline à espérer un espace pub totalement customisé et compatible avec son réseau, où toutes les marques qu’il aime s’entendraient pour lui faire un max de ristournes, voire des petits cadeaux, en échange d’un petit article sympa sur le blog …
Reste un point sur lequel ils seront toujours d’accord, parce qu’il profite à tous : la taille du tuyau ! Encore un petit effort et le territoire sera entièrement équipé en fibre optique. Et d’ici là, il reste encore plein de tendances à émerger et de concepts à inventer
COMMENTENTAIRES
comments powered by Disqus